La traque - Chapitre 0

par : :Cindy Husson 0 Commentaires
La traque - Chapitre 0

Les murs du petit appartement tremblaient, la porte claquait, les fenêtres vibraient, prêtes à voler en éclat ; la tempête était en rage et la rage soufflait fort. Vous êtes familiers avec l’expression une tempête dans un verre d’eau ? Albert Ratingal également, la connaissait. Dans l’instant, cependant, il était incapable de se souvenir de son sens, trop secoué par les vents qui rugissaient suffisamment pour le clouer au sol.

Le nez contre le dallage de cet hôtel du centre de Paris, il grognait de douleur et essayait de se rappeler que non, le monde n'était pas en train de se renverser. C'était juste lui et l'ouragan qu'il avait libéré de sa prison de tissus. Il releva la tête pour n’apercevoir que le chaos environnant : les volets tambourinaient contre les murs et les livres qui ne s’envolaient pas étaient infiniment feuilletés par le souffle des vents. Albert roula sur le côté juste à temps pour éviter la volée de couverts et d’assiettes qui se trouvaient sur la table.

A quelques mètres de lui, l’objet de sa venue ouvrait son oeil de cyclope d’où se déversait les vents violents. L’une de ces bourses maudites, objet de tant de destruction. Il se redressa sur un genoux, tentative ridicule pour avancer, juste d’un pas, vers l’artefact. Il devait réussir à fermer la bouche de cet objet infernal, avant…

Une paire de griffe s’extirpa de l’ouverture.

Trop tard. Les crocs suivirent et entre eux, le coeur de la tempête. Les vents tournèrent, se firent plus forts et Albert tomba en avant. Il réussit à se rattraper sur une main et grogna.

La créature qui s’arrachait à la bouche de la bourse de tissus ouvrait maintenant de grands yeux dans lesquels on pouvait apercevoir l’infinité d’une mer de nuages. Albert savait qu’il avait affaire à l’une des horreurs qui vivaient de l’autre côté des frontières oniriques de Tervieilles : un Djinn des profondeurs de l’air. Il savait également que s’il réussissait à s’extraire de ce réceptacle des enfers, il n’aurait aucune chance. Aucune.

Albert se redressa. Il combattit les vents avec l’énergie du désespoir. Il avait perdu sa rapière, son pistolet à silex et les dernières bribes de bon sens qu’il avait réussi jusque-là à conserver. Il chargeait contre les vents tempétueux un Djinn en train d’arracher sa carcasse au puits d’horreur dont il s’extirpait.

Tu restes là-dedans, morguienne ! hurla-t-il

Il attrapa les griffes et regarda droit dans l’infini des yeux profonds. Pendant une seconde, il crut qu’il pourrait avoir le dessus. Qu’il allait réussir à repousser cette créature dans le monde dont elle venait. Il se trompait. Leur lutte les envoya rouler sur le parquet grinçant. La créature était forte ! Elle était plus forte que lui. Elle était plus forte que la plupart des humains.

Mais seulement la plupart.

Un peu d’aide, Ratingal ?

Par la peste, Helm, ça n’est pas trop tôt !

Excusez mon retard, les vents étaient mauvais.

Hector Helm était qualifié par beaucoup de géant. Pour la défense de ceux qui osaient le comparer aux monstre gigantesques qui parcouraient les terres de Tervieilles, il dépassait la toise d’une méchante tête. Tête qui, par ailleurs, se paraît d’une impressionnante moustache impériale.

Hector attrapa la tête pleine de crocs de la créature par l’arrière, là où les vents ne soufflaient pas si forts. C’était le plan : Albert devait détourner son attention par devant, pendant qu’Hector Helm entrait par derrière, son énorme flamberge prête à s’abattre. Il la souleva et d’un coup bien net, trancha la tête. Elle roula sans pour autant cesser de pousser ses hurlements de tempête.

Refermez la, Helm !

Le géant - qui n’était pas un géant -, attrapa des deux mains l’ouverture métallique et, pendant qu’Albert repoussait le corps encore mouvant du monstre, les approcha jusqu’à refermer la bourse.

Le vent mourut instantanément, le silence retomba, Hector laissa choir la bourse sur la table et Albert se laissa tomber en arrière. Il poussa un long soupir.

Vous ne l’avez pas trouvée, n’est-ce pas ?

Non, aucune trace d’elle. Et personne, là en-bas, n’a été en mesure de me dire si elle était passée par ici. Je suis désolé, Ratingal.

Ca n’est pas votre faute, Helm. Nous l’avons ratée cette fois-ci, nous l’aurons la prochaine fois.

Oui…

Hector n’avait pas l’air convaincu par les propos de son ami et compagnon.

Je sais que nous l’avons ratée plusieurs fois, Helm, mais il ne faut pas perdre espoir. Nous la trouverons. Et nous la mettrons aux arrêts. Regarder ce que nous avons stoppé aujourd’hui, morguienne ! Nous devons poursuivre. Et nous saurons la capturer, la vilaine.

Vous avez raison, Ratingal. Excusez-moi cette perte de foi passagère, je nous croyais sur le point de réussir, cette fois.

Albert se contenta de hocher la tête en se redressant. Il récupéra sa rapière, son pistolet à silex et s’approcha de l’objet qui leur avait fait vivre un petit enfer. C’était un bête sac en tissu, se dit-il. Comme chaque fois. Chaque fois qu’ils découvraient l’un des artéfacts de la Tisseuse de Magie, il semblait innofensif au premier regard. A mieux y regarder, on pouvait s’appercevoir de la malice cachée sous l’élégance affichée.

C’est un passage vers les terres d’Hawa. Ce Djinn aurait pu tout détruire tout Paris…

Sur la table, un carnet rempli d’adresses et de notes semblait avoir été abandonné là dans la précipitation. Albert sourit.

Nous n’avons pas attrapé la Tisseuse de Magie cette fois, mon cher, mais nous savons où retrouver sa piste.

Helm sourit, tordant sa belle moustache impériale en un pont légèrement terrifiant, et ouvrit la sacoche qu’il portait toujours au côté, dans laquelle il fit disparaître l’artéfact malfaisant de la sorcière. La prochaine fois, se répéta-t-il silencieusement.

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